Préface des Éditions de Londres

« Le corbeau » ou « The raven » est un poème narratif d’Edgar Allan Poe publié en 1845 dans le New York Evening Mirror.

Résumé

Le poème raconte l’histoire d’un homme qui, par une nuit glaciale de Décembre, lit un livre traitant d’une doctrine « oubliée » pour oublier la perte de la femme qu’il aimait, Lénore. Il est à moitié assoupi quand un tapotement à la porte le réveille. Il se lève et ne trouve rien, rien si ce n’est un chuchotement « Never more » ou « Jamais plus ». C’est alors qu’apparaît un grand corbeau noir qui entre par la fenêtre, traverse la chambre et va se poser sur une statue de Pallas. Quand le narrateur s’approche dans les ténèbres, il entend l’oiseau dire « Jamais plus ». Perplexe, il se rassied et confond en conjectures, s’abandonnant de nouveau à une rêverie, pensant à Lenore, se parlant à lui-même, régulièrement interrompu par les « Jamais plus » du corbeau. Le narrateur accuse le corbeau d’être un prophète de malheur et le charge d’embrasser Lénore quand il sera de retour dans les ténèbres. Mais il se heurte à l’obstiné « Jamais plus » du corbeau, s’écroule sur le plancher sous les yeux du corbeau toujours perché sur le buste de Pallas au dessus de la porte d’entrée.

Le poème

Selon Christopher Maligec, le poème suivrait une forme poétique rare, un paraclausithuron élégiaque, chant devant la chambre close, motif traditionnel de la poésie amoureuse, qui ici est l’expression de l’amant qui a perdu sa bien-aimée. Le poème est composé de 18 sizains (c'est-à-dire des strophes de six vers). Poe explique que le poème est une combinaison d’octosyllabes acatectiques, d’heptasyllabes catalectiques, et de tétramètres catalectiques. Le poème serait basé sur Lady Geraldine’s courtship d’Elisabeth Barrett.

Ce qui est certain, c’est que le poème utilise beaucoup l’allitération, et la répétition, voulant créer une ambiance avant tout, et communiquer l’angoisse et le désespoir du narrateur par le rythme et la sonorité, plus que par le sens des mots. « Le corbeau », poème narratif, serait ainsi avant tout un poème musical.

La philosophie de la composition

Dans son essai « La philosophie de la composition », Poe explique sa théorie de la littérature et commente en détail la genèse du poème. A entendre Poe, rien, absolument rien n’est laissé au hasard. La structure, la métrique, la sonorité, mais aussi la composition visuelle des plans, comme s’il avait à la fois composé une histoire, une musique, un tableau, et une juxtaposition de symboles tout en ancrant l’ensemble dans une tradition classique. Personne n’est d’accord sur la durée de l’écriture, ou plutôt de la composition du corbeau, puisqu’il s’agit bien de musique ici, mais les estimations varient entre un jour et dix ans.

Le romantisme du Corbeau

« Le corbeau » appartient toujours à un univers romantique. Tous les éléments y sont : Décembre, nuit, froid glacial, mort de la bien-aimée, doctrine oubliée, références grecques, romaines et ésotériques, jeune homme amoureux qui a perdu celle qu’il l’aimait et qui sombrera dans la folie, symboles du démon et de la mort, silences ponctués de bruits inquiétants, voix de l’au-delà, magie…

Mais avant tout, le corbeau est une représentation symbolique de la mort. L’objectif de Poe n’était pas l’originalité, et certainement l’expression poétique, personnelle, émotive, innovante telle qu’on l’entendait en Amérique ou en Angleterre au Dix Neuvième siècle. L’objectif de Poe, c’était d’atteindre la perfection absolue en retravaillant un thème éculé.

Le corbeau dans le monde anglophone

Poe est un auteur au destin étonnant. En France, tout le monde connaît grâce à Charles Baudelaire, mais si tous connaissent Double meurtre dans la rue Morgue ou La lettre volée, ou encore beaucoup d’autres, si Poe est considéré comme l’un des plus grands écrivains américains, et le meurtre du fantastique et du policier naissant, personne ne connaît le corbeau.

En revanche, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, Poe n’est pas considéré comme un écrivain majeur, bien à tort d’ailleurs, car la théorie présente chez les universitaires américains spécialistes de littérature française comme quoi le succès français de Poe est celui de Baudelaire démontre une ignorance de leur propre littérature. Poe n’est tout simplement pas sympathique, et sa manie de la composition, de la structure, ainsi que l’impressionnante tradition de littérature fantastique et criminelle font que l’influence de Poe s’y manifeste plus dans l’œuvre des autres que dans la sienne, ce qui signifie qu’on le lit peu, donc qu’on ne le connaît pas. De plus, le style de Poe semble de nos jours un peu lourd, voire maladroit parfois en anglais, à la différence du texte de Charles Baudelaire. Soit. Pour les Américains, il n’est pas un écrivain majeur. Ce n’est pas vrai. Dans le monde anglophone, Poe est l’écrivain du corbeau. Toute son œuvre semble concentrée dans ce texte, dont l’allitération et les sonorités beaucoup mieux dans l’original que dans la traduction de Baudelaire.

Les traductions du corbeau

C’est d’autant plus paradoxal car, probablement du fait du succès du Corbeau aux Etats-Unis, « Le corbeau » fut traduit de nombreuses fois en français, notamment par Maurice Rollinat, Stéphane Mallarmé, Charles Baudelaire. D’ailleurs, la première traduction en français fut celle d’un anonyme seulement deux mois après sa parution. Les traductions de Stéphane Mallarmé et de Charles Baudelaire les plus connues.

Les Baltimore Ravens

Edgar Alla Poe est l’enfant de Baltimore. Bien qu’il soit né à Boston, c’est Baltimore qui le reconnaît et le revendique. Lorsque les Cleveland Browns sont « transférés » à Baltimore en 1995, il est décidé de changer le nom de l’équipe (ce qui arrive souvent en football américain) ; un vote auprès de plus de trente mille fans a lieu, et c’est le mot « raven » qui l’emporte, en hommage au poème d’Edgar Allan Poe qui vécut une bonne partie de sa vie dans la ville. Une équipe de football américain qui tire son nom du plus célèbre poème de Poe ?!

Initials B.B.

Un autre morceau de culture, c’est la chanson de Gainsbourg, inspirée du poème de Poe, ce que tous ignorent en France : « Une nuit que j’étais A me morfondre… ».

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